Les gauchers sont-ils meilleurs à l'escrime?
Voici un article extrait d'Escrime magazine N°47 et 48 qui répondra certainement à vos questions.
Il a été souligné dans cette rubrique (Cf N° 35 d'escrime magazine, décembre 1992 janvier 93) que les gauchers réussissent particulièrement bien en escrime. Ils sont relativement nombreux dans l'élite du tennis , de la boxe, du squash et du tennis de table, mais c'est parmi les bretteurs qu'ils s'illustrent le mieux. Tous ces sports ont une caractéristique commune d'opposer deux adversaire se contestant la maîtrise d'un espace d'actions conventionnelles. Dans de telles situations duelle, la main est au pôle de l'action et la vision à celui de la perception, chargée de saisir les signaux décisifs pour agir et réagir.
Depuis trente ans, j'ai souvent eu la possibilité d'étudier ce phénomène au bord des pistes, en relevant le taux de gauchers aux différents moments des compétitions mondiales en laboratoire, à partir de 1980, pour contrôler expérimentalement des hypothèses d'interprétation. l'analyse des données extraites des compétitions de haut niveau fait apparaître clairement que le taux de gaucher augmente à chaque étape du classement pur atteindre sa valeur maximum au terme des épreuves. Chez les engagés, il est déjà nettement supérieur au taux observé classiquement dans la population générale ( 10% environ dans toutes les cultures et à toutes les époques ) et il est exceptionnellement élevé chez les médaillés. Mais il est à signaler que les trois armes ne sont pas concernés de la même manière.
Des différences entre les armes
Par exemple, à l'occasion des championnats du monde seniors d'Essen, en juillet 1993, l'augmentation du taux des gauchers a été encore retrouvée hautement significative à l'épée et au fleuret , aussi bien dans les épreuves féminines que masculines où ils ont constitué exactement la moitié de l'effectif des médaillés. A l'inverse, le sabre s'est révélé, comme dans de précédentes occasions franchement néfaste aux gauchers puisqu'ils n'étaient plus représentés parmi les huit finalistes. la figure 1 groupe les données recueillies au cours des sept championnats du monde. Sur la figure 2, les résultats relevés au fleuret et à l'épée ont été rassemblés , en raison de leur commune réussite au gauchers, pour être comparés à ceux du sabre. Cette figure montre une nette différenciation entre les armes de pointe et le sabre, arme d'estoc et de taille. L'augmentation du taux des gauchers au fleuret et à l'épée est constante du début à la fin des épreuves tandis que le taux des sabreurs se maintient à un niveau voisin de celui que l'on observe dans la population générale. ( 14%).
La constance des caractéristiques observées nous autorise à en tirer les considérations suivantes:
- L'ensemble des participants (3040) comprend déjà un quart de gauchers (763, soit 25.1%) et ceux-ci obtiennent plus d'un tiers des médailles (37.1%).
- les épreuves de sabre ne permettent pas aux gauchers de se distinguer par rapport aux droitiers (leur taux varie qu'entre 12.5 et 14.3 %).
- les armes d'estoc offrent aux gauchers l'occasion d'augmenter leur taux de représentation de 28 à 44.3 % entre le début et la fin des épreuves.
Le fleuret semble être l'arme d'élection des gauchers car ils se retrouvent majoritaires en fin de compétition dans la plupart des observations réalisées. Le contraste entre le sabre et le fleuret messieurs est particulièrement évident sur la figure 3, également tirée des sept confrontations mondiales analysées de la même façon. Les fleurettistes gauchers représentent déjà un tiers de l'effectif des engagés ( 33.3%). Ils sont exactement 50% dans les finales de huit et atteignent le taux de 60.7 % chez les médaillés. des tests statistiques sur ces différences entre les armes d'estoc et le sabre confirment leur caractère hautement significatif (X2 : p<.0001).
Explications
Ces constatations faites en compétitions au plus haut niveau sont assez remarquables pour qu'on leur cherche une explication. Elles ne peuvent être interprétées comme un effet de "surprise " ou d'"imprévu" qu'éprouvaient les droitiers - et seulement aux armes d'estoc- lorsqu'ils se trouvent opposés à des gauchers, ce qui n'est pas le cas, nous venons de le voir dan l'élite des escrimeurs et, surtout, des fleurettistes.
Il faut donc chercher des interprétations du côté des sciences de l'homme et recourir à une démarche expérimentale.
Plusieurs équipes scientifiques dans le monde se sont consacrées à l'étude du mécanisme de contrôle, par les système nerveux, des déplacements de la main en direction d'une cible visuelle. Il est bien admis actuellement qu'un mouvement rapide de "pointer" de la main sur une cible est conditionné, dès son départ, par la localisation spatiale de celle-ci. la rétine périphérique est en mesure de transmettre les coordonnées spatiales de l'objectif aux centre de commande du mouvement. A partir du déclenchement de la réaction motrice, la majeure partie de la trajectoire de la main ( ou de la pointe de l'arme ) est automatiquement déterminer par le repérage spatial de la cible. On parle alors de "projection balistique " par analogie avec le tir. la précision du "pointer" est très satisfaisante si la cible ne change pas de place.